Je voudrais ici partager avec vous un pan d'histoire,celui de l'Université d'Aix qui s'appelle Université de Provence à l'occasion des 600 ans de notre Université!Lisons et regardons la course du temps!elle pourrait nous instruire sur la longue tradition de la Connaissance!
admirons ces si longues années jusqu'à nous !que nos coeurs s'éprennent du désir de savoir ,d'interculturel et de savoirs ou d'histoires tout court....Bonne lecture et comme si c'était un millésime,bonne dégustation!
“Une identité vivante ouverte à tous les savoirs”
L’Université à Aix fêtera ses 600 ans en 2009. Quel est l’esprit de cet anniversaire ?
L’Université d’Aix-Marseille est l’héritière de celle qui fut fondée à Aix-en-Provence en 1409 et est donc ancrée dans une très forte tradition universitaire, multiséculaire. 2009 sera la célébration d’un passé qui a aussi 600 ans d’avenir car l’Université d’Aix-Marseille est résolument tournée vers demain, elle est extrêmement innovante et en phase avec les grands changements sociétaux et les grands défis technologiques en cours. Son identité est effectivement fondée sur l’histoire, mais une identité vivante qui s’ouvre à toutes les problématiques actuelles et à venir de la connaissance, des savoirs et de leur transmission.
« Aix-Marseille Université sera la capitale des savoirs du sud de la France et de la Méditerranée »
L’Université dans son ensemble est en mutation, Aix- Marseille en particulier. Une fusion des trois Universités en 2010, la création de Fondations pour financer de grands projets, etc. Quels sont les enjeux de ces changements ?
Le but de cette profonde réforme de sa gestion est de mettre en œuvre une politique claire et cohérente à partir d’une stratégie : c’est la marque même de l’autonomie de l’Université. L’Université en réalité ne se réforme pas mais se transforme : et c’est bien d’avenir qu’il est question !
Cette mutation prépare nos établissements à faire face à deux défis majeurs : la réussite de la fusion des Universités d’Aix-Marseille en 2010, la poursuite de leur ancrage au cœur du milieu socio-économique et de leur insertion active dans les grands mouvements scientifiques et culturels:
• C’est effectivement un grand établissement qui, à l’horizon 2010, verra le jour. Une université unique qui abritera 70 000 étudiants, plus de 6000 personnels, 150 laboratoires, dont les thématiques de recherche et d’enseignement couvriront tous les champs de la connaissance (Arts, Lettres, Langues, Sciences Humaines et Sociales ; Droit et Science Politique ; Economie et Gestion ; Santé ; Sciences et Technologies).
• Cette politique, fondée sur une gestion renouvelée doit également assoir la crédibilité de l’Université à l’égard de ses partenaires, à travers notamment une stratégie de partenariat avec le privé que sont les Fondations. Ces structures, contrôlées par un conseil de gestion, pourront accompagner les actions menées par l’Université.
Aix-Marseille Université abrite des pôles de compétences forts qui labellisent son expertise dans de nombreux domaines ce qui lui donne un positionnement fort et reconnu dans sa Région mais également à l’échelle nationale et internationale.
Une Université, une Ville, une Histoire
Enracinée depuis plus de six siècles, sur une terre d’art et de culture, au cœur de la Provence, l’Université à Aix est fille d’un lieu, Aix-en-Provence, et héritière d’une histoire, celle du « studium generale pour l’étude de la théologie et des droits », fondé à Aix-en-Provence en 1409.
De Louis II d’Anjou à Louis XIII : initiatives et vicissitudes (1409- milieu du XVIIe siècle)L’existence d’une Université à Aix résulte de la volonté de Louis II d’Anjou, comte de Provence, qui entreprit de doter sa capitale d’une institution capable de former, par l’enseignement du droit et de la théologie, les élites de sa principauté. Il obtient l’approbation du pape Alexandre V. Celui-ci consacre formellement la création de l’Université d’Aix par une bulle du 9 décembre 1409, qui accorde aux maîtres et étudiants aixois les mêmes privilèges et immunités qu’à ceux de Paris et de Toulouse.
La ville est tenue d’apporter son aide matérielle à la nouvelle institution, dans laquelle est intégré l’enseignement des “arts”, c’est-à-dire de la grammaire et de la logique. Les débuts de la nouvelle Université sont cependant difficiles, malgré la venue de professeurs réputés. Le roi René doit encore intervenir en 1460 afin de la conforter.Elle est administrée, sous la protection de son chancelier, l’archevêque, par un recteur, assisté d’un bedeau-secrétaire et d’un trésorier. Maîtres, docteurs et étudiants délibèrent ensemble dans les conseils et assemblées. Au XVIe siècle, la création du Parlement a pour effet d’augmenter le nombre des étudiants en droit. L’Université devient une sorte de corporation des docteurs, le recteur prenant le titre de primicier (de primus inter pares : premier entre égaux).La ville transforme son école municipale en collège en 1543. Il tient lieu de Faculté des Arts, l’existence de celle-ci se réduisant en fait au jury qui confère les grades, ce n’est en rien propre à Aix. Le cursus des arts est alors surtout un préalable à une spécialisation dans une des trois autres facultés (il correspond à l’actuel second cycle de l’enseignement secondaire). En 1583 la ville installera ce collège dans le nouveau quartier de Villeneuve avec l’aide des Etats de Provence (actuel lycée de Provence des Jésuites). Les jésuites le prendront en 1621 en charge. La faculté des arts sera un moment rétablie à la suppression de la compagnie de Jésus en France, en 1764. Puis le collège sera pris en charge par les Doctrinaires en 1771 (pères de la Doctrine chrétienne établis alors au faubourg st-Jean-Baptiste, cours Sextius).
En 1557 l’art médical est établi. L’Université d’Aix est dès lors complète de toutes ses facultés. A partir de 1555, les dirigeants élus de l’Université sont toujours des juristes, la Faculté de droit affirmant jusqu’à la fin de l’ancien régime sa primauté sur celle de théologie, qui ne reçoit qu’une minorité des candidats au sacerdoce, les grand ordres religieux ayant leurs propres écoles et les évêques créant au XVIIe le séminaire, puis sur celle de médecine, qui ne parvient pas à rivaliser avec l’université de Montpellier, de réputation européenne et longtemps avec celle d’Avignon. En effet, l’université d’Aix est entourée jusqu’à la Révolution des universités de Montpellier, Avignon, Orange, Valence et Grenoble. Des professeurs aixois, le plus célèbre est alors Charles-Annibal Fabrot (1580-1659), qui traduit les Basiliques du grec en latin. Le primicier Scipion Dupérier (1588-1667) fut surnommé « le Papinien moderne ». Il était frère de Marguerite Dupérier, immortalisée par F. de Malherbe, ami de leur père, dans sa « Consolation à M. Dupérier pour la mort de sa fille » (« Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses… »).
En 1603, Henri IV crée une nouvelle institution universitaire, le Collège royal de Bourbon, doté de quatre Facultés : théologie, droit, médecine et arts, Facultés dont le financement serait assuré par les Etats provinciaux. Cette initiative échoua. La Faculté des arts disparut en 1621 et les trois autres Facultés furent absorbées par la vieille institution.
De Louis XIV au début de la Révolution : réformes royales et personnalités provençales (1679-1793)« La qualité des enseignements juridiques ayant sensiblement baissé dans le royaume, Louis XIV opéra en 1679 une profonde réforme, afin d’améliorer la formation des juristes au service de la Couronne. Il introduisit notamment un cours de droit français, donné en français, à côté des cours traditionnels de droit romain et de droit canonique. ??? (c’est une réforme de l’ensemble des universités du royaume, Aix est une fac secondaire en regard de Paris, Orléans ou Toulouse)
Un arrêt du Conseil d’Etat de 1712 renforça le rôle des professeurs. Cette évolution vers des « facultés professorales » est alors générale en France. Les primiciers élus à partir de cette date se montrèrent meilleurs gestionnaires. Grâce à l’aide des Etats de Provence, ils firent reconstruire le bâtiment de leur Université, qui fut doté en 1743 de la façade classique qui fait la fierté de l’Institut d’Etudes politiques.
Le corps enseignant de droit comprend des professeurs de grande valeur, comme Scipion Dupérier (voir plus haut), Jean-Baptiste Reboul, Jean-Joseph Julien, André Pazery, Joseph- Sextius Siméon et son fils Joseph-Jérôme. Ces professeurs, qui sont aussi avocats, font partie d’un Barreau réputé pour sa très grande qualité. Le Parlement comprend également d’excellents juristes. Quant aux plus illustres des étudiants, ce sont évidemment Peiresc et Portalis. En médecine, on citera au moins Joseph Lieutaud (1703-1780), qui finit sa carrière à la faculté de médecine de Paris, fut premier médecin du roi, membre de l’académie des sciences et président de la société royale de médecine. Une rue d’Aix porte son nom.
Mais la vieille Université provençale est frappée par la législation révolutionnaire, qui la fait disparaître comme toutes les autres.
Depuis 1804 : renaissance et développementAix figure parmi les douze villes dotées en 1804 d’une Ecole de droit par Napoléon. Elle bénéficie du prestige de l’ancienne Université et de la présence d’une cour d’appel. Elle profite aussi de l’intervention de trois juristes proches de l’empereur : Portalis, ministre des Cultes et rédacteur du Code civil, à l’élaboration duquel ont participé également Siméon, et Muraire, Premier président de la Cour de cassation. Les professeurs sont nommés en 1805 et la rentrée a lieu le 16 avril 1806. La municipalité prend à sa charge la restauration du bâtiment ancien, qui s’achèvera en 1810, mais les professeurs et les étudiants de ce qui devient alors officiellement la “Faculté de droit” en 1808 avec la création de l’université impériale seront à l’étroit, la Faculté de théologie, rétablie en 1809, y étant également installée. C’est à Marseille que sera rétabli l’enseignement de la médecine. L’Ecole secondaire de médecine créée en 1818 y deviendra Ecole de plein exercice en 1875. C’est aussi dans la cité phocéenne que sera établie en 1854 une Faculté des sciences. Ces deux facultés ont été dotées d’excellents historiques qui nous dispenseront de les évoquer plus longuement : G. Serratrice dir., Vingt-six siècles de médecine à Marseille, Marseille, éd. J. Laffitte, 1996 ; G. Aillaud ; Y. Georgelin, H. Tachoire, Marseille, 2600 ans de découvertes scientifiques, Aix Public. de l‘Univ. de Provence, 3 vol. 2002.
En revanche, sous la Monarchie constitutionnelle sont recréées en France des facultés des arts enfin distinctes des Lycées et spécialisées en facultés de lettres et de sciences. A Aix, le recteur Defougères parvient à convaincre le ministre Salvandy de la création d’une Faculté des lettres, obtenue par ordonnance de Louis-Philippe du 11 juin 1846. Elle fut installée dans l’hôtel dit « de maynier d’Oppède », proche de l’ancienne université, devenue faculté de droit, au 23 rue Gaston de Saporta. Ses débuts furent remarqués : H. Fortoul, né à Digne en 1811, le premier titulaire de la chaire de littérature française et son premier doyen, allait être le rude ministre de l’instruction publique de l’Empire autoritaire après le coup d’état. Un de ses successeurs, L.-A. Prévost-Paradol, sera en revanche un des principaux penseurs de « l’Empire libéral ». Le second titulaire de la chaire d’histoire, Jules Zeller (1819- 1900) fit ensuite une carrière parisienne à l’E.n.s., à la Sorbonne et à l’Ecole polytechnique où il succéda à Victor Duruy. En philosophie, on rappellera les noms de Paul et Etienne Souriau, père et fils, spécialistes en particulier d'esthétique, et plus tard de Maurice Blondel.
Néanmoins, les effectifs des étudiants restent longtemps modestes car les grandes études littéraires passaient par la classe de « vétérance », post-baccalauréat, du Lycée de Marseille (= Khâgne) qui préparait aux concours de l’E.n.s. et des « bourses de Sorbonne », permettant d’y préparer l’agrégation. Ferdinand Brunetière, André Suarès, Camille Jullian ou Henri-Irénée Marrou ne fréquentèrent éventuellement l’université aixoise que le temps d’y faire valider leurs connaissances en y passant les examens.
A la Faculté de droit, qui compte plus de deux cents étudiants, les cours portent d’abord sur le Code civil, le droit romain, la procédure civile et la législation criminelle. Sous la Monarchie de Juillet sont créées les chaires de droit commercial et de droit administratif.Parmi les professeurs figurent le romaniste J.-B. Bernard, le futur ministre et inspecteur général des Facultés de droit C. Giraud, l’administrativiste L. Cabantous, P. Cresp, qui fonde une tradition aixoise, celle de l’étude approfondie du droit maritime, et l’un des pionniers de l’enseignement de l’économie politique, A. Jourdan. Plus tard enseignent le publiciste F. Moreau, le privatiste G. Ripert, l’internationaliste E. Audinet, les historiens G. Bry et A. Dumas. Beaucoup de leurs disciples s’inscrivent au Barreau ou font carrière dans la Magistrature. Certains s’illustrent en dehors du domaine purement juridique. C’est le cas de Thiers, de Mignet, d’A. Crémieux, de Mistral, de Cézanne, de F. Gouin ou d’E. Eddé, qui deviendra Président du Liban. René Cassin fait de brillantes études avant de revenir comme chargé de cours après avoir été blessé. A la faculté de théologie (catholique) qui devait être supprimée, ainsi que les autres en France, en 1885, le dernier titulaire de la chaire de dogme, Mgr Antoine Ricard (1834-1895) pourrait détenir le record du nombre des publications d’un enseignant de l’alma mater aixoise depuis sa fondation en 1409 : 217 entrées au catalogue de la BnF. Les volumes de son Ecole menaisienne surnagent.(En droit ??) Cent un étudiants et trois enseignants sacrifient leur vie au cours de la Première Guerre mondiale. Malgré ce drame, les effectifs des étudiants -et des étudiantes- augmentent sensiblement. Ils dépassent les 500 à partir de 1929. Ils bénéficient d’enseignements plus diversifiés, mais souffrent de l’exiguïté des locaux disponibles. C’est seulement au cours de l’année universitaire 1953-1954 que les Facultés de droit et lettres prennent possession du nouveau bâtiment, construit à proximité du parc Jourdan sur les plans des architectes Sardou et Boët. Fernand Pouillon en aménage les intérieurs et réalise la Bibliothèque. La Faculté de droit conservera ces beaux bâtiments lorsque la Faculté de Lettres. s’installera en 1966 dans de nouvelles constructions voisines. La faculté de letttres atteint les 1472 étudiants en 1948-1949 et dépasse 3000 étudiants en 1957-1958. A partir des années 1950, elle prépare systématiquement aux concours d’agrégation des principales disciplines. Le nombre des spéciaiités n’a cessé d’augmenter en particulier pendant les décennies 1948-1968. Certaines acquièrent une rapide réputation : c’est le cas du département de psychologie, dont le fondateur, Georges Noizet, achèvera sa carrière à Paris, ou bien de la linguistique, qui est d’emblée illustrée par Georges Mounin. D’autres spécialités depuis longtemps établies, brillent aussi d’un vif éclat. Ainsi Bernard Guyon, professeur de littérature française, spécialiste de Balzac et de Péguy, sera élu doyen à trois reprises et procédera à l’établissement de la faculté dans ses locaux actuels : son nom y a été donné au plus vaste des amphithéâtres. Parmi les historiens, Emile-G. Léonard, qui enseigne à Aix pendant la décennie 1940, reste le grand historien français du protestantisme. Les années 1950-1960 sont dominées par l’action et les oeuvres du médiéviste Georges Duby, élu en 1970 au Collège de France. D’autres Aixois entrent également dans cette institution prestigieuse : le philosophe G.-G. Granger, le contemporanéiste M. Agulhon, l’antiquiste P. Veyne, l’archéologue Ch. Goudineau. (j’arrête ici mes suggestions de compléments : ce n’est plus de mon ressort)L’Université unique d’Aix- Marseille sera l’héritière de six siècles d’initiatives,de réalisations et de recherche de l’excellence et du rayonnementLa Faculté de droit est surprise, en mai 1968, par le mouvement de contestation. Grâce au doyen Fabre, les examens purent se dérouler au mois de juin. En application de la loi du 12 novembre 1968, la Faculté de droit et de science politique fut intégrée dans l’Université Aix-Marseille II. En 1973, l’Unité d’enseignement et de recherche Faculté de droit, anciennement “de droit et d’économie” devenue “de droit et de science politique”, devint partie intégrante de l’Université de droit, d’économie et des sciences Aix- Marseille III. Elle compte actuellement plus de 10 000 étudiants ce qui en fait l’une des plus importantes de France. Quant à l’Université, qui regroupe notamment les économistes de la Faculté d’économie appliquée et de nombreux scientifiques sur les sites de Saint-Jérôme et de Montperrin, elle est devenue l’Université Paul-Cézanne, tandis que l’ancienne Faculté des Lettres d’Aix fait désormais partie de l’Université de Provence (Aix-Marseille I). Enfin l’Institut Régional du Travail, L’Institut Universitaire de Technologies et la Faculté de Sciences économiques et de Gestion font parties de l’Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II).Les trois universités d’Aix-Marseille ont fondé en commun un Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES), en application de la loi d’orientation pour la recherche de 2006. Créé par décret en mars 2007 sous la forme d’un établissement public, le PRES Aix-Marseille Université est le support de la mutualisation de plusieurs activités et services des établissements qui sont ses fondateurs, comme le sport universitaire et la médecine préventive ou encore la gestion des réseaux. Il abrite surtout un Collège doctoral rassemblant les douze écoles doctorales du site, qui mutualise des actions et réalisations de ces dernières et prend en charge une partie de leurs missions, particulièrement celle de l’accompagnement et du suivi de l’insertion professionnelle des docteurs. Il apparaît peut-être comme une préfiguration de l’Université unique d’Aix-Marseille, dont la constitution pour 2010 fait aujourd’hui l’objet d’une réflexion active et qui sera l’héritière de six siècles d’initiatives, de réalisations et de recherche de l’excellence et du rayonnement.
NB.Pour en savoir plus,rendez-vous sur le site de l'Université Paul CEZANNE ,rubrique consacrée aux 600 ans d'où vient l'essssentiel de ce long billet!!Raoul TOSSOU
dimanche 29 novembre 2009
vendredi 27 novembre 2009
La part des chroniques
Je voudrais ici vous faire part d'une histoire de chronique sur un site!Venez et voyez!
http://www.evene.fr/culture/chroniques.php?j=28&m=11
http://www.evene.fr/culture/chroniques.php?j=28&m=11
dimanche 15 novembre 2009
Je voudrais partager avec vous quelques chants d'un de mes chanteurs préférés:Alpha BLONDY.Avec lui de la Mer Morte à Pristina il n'y a qu'un pas:la même misère est dénoncée dans une mélodie Reggae connue et reconnue à travers le monde entier...du moins écoutons une fois encore ensemble Alpha...!
Libellés :
antisémitisme,
musique,
vie des minorités culturelles
vendredi 13 novembre 2009
Apprendre à l'école de l'interactionnel!
Les échanges scolaires sont une des manières de permettre aux apprenants de se confronter directement à la diversité culturelle et de mettre en pratique l’approche interculturelle.
La pratique des échanges afin d’améliorer et de favoriser les relations et perceptions réciproques s’est banalisée en se démultipliant. Toutefois, de nombreuses études ont montré que les échanges ne réduisent pas systématiquement les stéréotypes et les préjugés. Au contraire, l’expérience sert aussi à renforcer des idées et des représentations fausses au non du "vécu". Il ne suffit pas en effet de se confronter à autrui dans un autre contexte culturel pour acquérir une compétence interculturelle.
Martine Abdallah-Pretceille (L’éducation interculturelle, PUF, 2004, coll. "Que sais-je ?") propose quelques principes pour une pédagogie interculturelle des échanges :
* Analyser la place des échanges et des rencontres dans un objectif d’éducation à l’altérité.
* Dépoussiérer les échanges de certains mythes comme ceux de l’entente, de la spontanéité, de la communication authentique, de la sympathie mutuelle, du dialogue entre les cultures, car il ne suffit pas de réunir des individus pour faire un groupe, encore moins de les obliger à se côtoyer pour s’accepter.
* Ne pas pointer dans les échanges les différences au détriment des ressemblances : rechercher une cohérence et des points communs afin de dépasser le niveau du détail, de l’intuition et de la subjectivité.
* Ne pas focaliser uniquement son attention sur la culture d’autrui, sur l’autre, mais apprendre à savoir qui on est dans une situation donnée, apprendre à objectiver sa manière d’être allemand, français… Dans une perspective interculturelle, ce sont les comportements intersubjectifs qui priment.
* Évaluer l’échange : vérifier que les programmes de rencontres internationales sont des lieux favorables à la rencontre interculturelle.
La pratique des échanges afin d’améliorer et de favoriser les relations et perceptions réciproques s’est banalisée en se démultipliant. Toutefois, de nombreuses études ont montré que les échanges ne réduisent pas systématiquement les stéréotypes et les préjugés. Au contraire, l’expérience sert aussi à renforcer des idées et des représentations fausses au non du "vécu". Il ne suffit pas en effet de se confronter à autrui dans un autre contexte culturel pour acquérir une compétence interculturelle.
Martine Abdallah-Pretceille (L’éducation interculturelle, PUF, 2004, coll. "Que sais-je ?") propose quelques principes pour une pédagogie interculturelle des échanges :
* Analyser la place des échanges et des rencontres dans un objectif d’éducation à l’altérité.
* Dépoussiérer les échanges de certains mythes comme ceux de l’entente, de la spontanéité, de la communication authentique, de la sympathie mutuelle, du dialogue entre les cultures, car il ne suffit pas de réunir des individus pour faire un groupe, encore moins de les obliger à se côtoyer pour s’accepter.
* Ne pas pointer dans les échanges les différences au détriment des ressemblances : rechercher une cohérence et des points communs afin de dépasser le niveau du détail, de l’intuition et de la subjectivité.
* Ne pas focaliser uniquement son attention sur la culture d’autrui, sur l’autre, mais apprendre à savoir qui on est dans une situation donnée, apprendre à objectiver sa manière d’être allemand, français… Dans une perspective interculturelle, ce sont les comportements intersubjectifs qui priment.
* Évaluer l’échange : vérifier que les programmes de rencontres internationales sont des lieux favorables à la rencontre interculturelle.
dimanche 25 octobre 2009
BIENVENUE SUR MON BLOG : ESPACE DE DIALOGUE INTERCULTUREL
Je voudrais partager avec vous ce discours prononcé par Claude LEVI-STRAUSS de vénérée mémoire en 2005 lors d'une remise de prix dont il a été gratifié,intitulé:ce discours pourrait sans doute être une contribution au tonitruant débat sur l'identité nationale ....Vous aurez tout compris!!!
"L'ETHNOLOGUE DEVANT LES IDENTITES NATIONALES"
Discours de Claude Lévi-Strauss à l'occasion de la remise du XVIIe Premi Internacional Catalunya, 2005, Académie française, Paris, le 13 mai 2005.
L'honneur que me fait la Generalitat de Catalunya en me décernant son "Premi International" me touche de façon très profonde. En accumulant les années, j'éprouve chaque jour davantage le sentiment que j'usurpe le temps qui me reste à vivre et que lus rien ne justifie la place que j'occupe encore sur cette terre. Aussi votre choix m'apporte un précieux réconfort. Il m'assure que je vous suis toujours présent et que les travaux que j'ai produits pendant trois quarts de siècle ne sont pas déjà périmés. Je vous en exprime toute ma gratitude.Up
Ce prix a d'autant plus de prestige que votre capitale, Barcelone, par les rencontres internationales qui s'y déroulent, par les décisions qui y sont prises, gagne sur la scène mondiale une importance croissante. C'est il y a peu de mois, nous a appris la presse, qu'à l'initiative de la Generalitat de Catalunya fut fondée à Barcelona une Eurorégion Pyrénées-Méditerranée. Vaste contrée transfrontalière à laquelle il faut joindre les deux pays Basques, et où l'on peut reconnaître, agrandie, l'antique marche de Gothie des temps carolingiens qui avait, ne l'oublions pas, son chef-lieu à Barcelone.
J'ai connu une époque où l'identité nationale était le seul principe concevable des relations entre les Etats. On sait quels désastres en résultèrent. Telle que vous l'avez conçue, l'eurorégion crée entre les pays de nouvelles relations qui débordent les frontières et contrebalancent les anciennes rivalités par les liens concrets qui prévalent à l'échelle locale sur les plans économique et culturel. Que, par une exception au bénéfice de l'âge dont je vous remercie, votre prix me soit remis à Paris, est aussi une façon de souligner ce rapprochement entre les Etats dont la création des eurorégions - telle celle entre la Catalogne, ses voisins et la France méridionale - tends à estomper les limites.
Ces liens raffermis avec la Catalogne, je les perçois aussi de façon plus intime comme participant d'un courant de pensée auquel, au XXe siècle, on a donné le nom de structuralisme, mais qui, contrairement à ce qu'on croit habituellement, n'est nullement une invention moderne. Il apparaît déjà aux XIIIe-XIVe siècles, au moins dans ses premiers linéaments, chez le grand penseur catalan dont le nom se prononce en français Raymond Lulle. La perception naïve appréhende le monde comme un chaos. Pour le surmonter, les prédécesseurs de Lulle ordonnaient par degrés les aspects du réel en fonction de leurs ressemblances plus ou moins grandes. Lulle partit au contraire de la différence, en opposant les termes extrêmes et en faisant jaillir entre eux des médiations. Il conçut ainsi un système logique très original permettant, au moyen d'opérations récurrentes, d'inventorier toutes les liaisons possibles entre les concepts et les êtres et mit donc la notion de rapport à la base du mécanisme de la pensée. De cet art combinatoire qu'il inventa, au cours des siècles Nicolas de Cues, Charles de Bovelles, Leibniz, puis la linguistique structurale et l'anthropologie structurale tireront des enseignements.
C'est en considération du lien avec le mouvement d'idées auquel je me rattache que, si vous le permettez, (mais, comme Dante pour le toscan, maître Eckart pour l'allemand, Lulle ne fut-il pas le créateur de votre langue littéraire ?) je placerai sous l'invocation de Raymond Lulle l'honneur que je reçois aujourd'hui.
Parce que je suis né dans les premières années du XXe siècle et que, jusqu'à sa fin, j'en ai été l'un des témoins, on me demande souvent de me prononcer sur lui. Il serait inconvenant de me faire le juge des événements tragiques qui l'ont marqué. Cela appartient à ceux qui les vécurent de façon cruelle alors que des chances successives me protégèrent si ce n'est que le cours de ma carrière en fut grandement affecté.Up
L'ethnologie, dont on peut se demander si elle est d'abord une science ou un art (ou bien, peut-être, tous les deux) plonge ses racines en partie dans une époque ancienne et en partie dans une autre, récente. Quand les hommes de la fin du Moyen-âge et de la Renaissance ont redécouvert l'antiquité gréco-romaine et quand les jésuites ont fait du grec et du latin la base de leur enseignement, ne pratiquaient-ils pas une première forme d'ethnologie ? On reconnaissait qu'aucune civilisation ne peut se penser elle-même si elle ne dispose pas de quelques autres pour servir de terme de comparaison. La Renaissance trouva dans la littérature ancienne le moyen de mettre sa propre culture en perspective, en confrontant les conceptions contemporaines à celles d'autres temps et d'autres lieux.
La seule différence entre culture classique et culture ethnographique tient aux dimensions du monde connu à leurs époques respectives. Au début de la Renaissance, l'univers humain est circonscrit par les limites du bassin méditerranéen. Le reste, on ne fait qu'en soupçonner l'existence. Mais on sait déjà qu'aucune fraction de l'humanité ne peut aspirer à se comprendre, sinon par référence à toutes les autres.
Au XVIIIe et au XIXe siècles, l'humanisme s'élargit donc avec le progrès de l'exploration géographique. La Chine, l'Inde s'inscrivent dans le tableau. Notre terminologie universitaire, qui désigne leur étude sous le nom de philologie non classique, confesse, par son inaptitude à créer un terme original, qu'il s'agit bien du même mouvement humaniste s'étendant à un territoire nouveau. En s'intéressant aux dernières civilisations encore dédaignées - les sociétés dites primitives - l'ethnologie fit parcourir à l'humanisme sa troisième étape.
Les civilisations antiques ayant disparu, on ne pouvait les atteindre qu'à travers les textes et les mouvements. Quant à l'Orient et l'Extrême-Orient, où la difficulté n'existait pas, la méthode restait la même, parce que des civilisations si lointaines ne méritaient - croyait-on - l'intérêt que par leurs productions les plus savantes et les plus raffinées.
Les modes de connaissance de l'ethnologie sont à la fois plus extérieurs et plus intérieurs (on pourrait dire aussi plus gros et plus fins) que ceux de ses devancières. Pour pénétrer des sociétés d'accès particulièrement difficile, elle est obligée de se placer très en dehors (anthropologie physique, préhistoire, technologie) et aussi très en dedans, par l'identification de l'ethnologue au group dont il partage l'existence, et l'extrême importance qu'il doit attacher aux moindres nuances de la vie physique des indigènes.Up
Toujours en deçà et au-delà de l'humanisme traditionnel, l'ethnologie le déborde dans tous les sens. Son terrain englobe la totalité de la terre habitée, tandis que sa méthode assemble des procédés qui relèvent de toutes les formes du savoir : sciences humaines et sciences naturelles.
Mais la naissance de l'ethnologie procède aussi de considérations plus tardives et d'un autre ordre. C'est au cours du XVIIIe siècle que l'Occident a acquis la conviction que l'extension progressive de sa civilisation était inéluctable et qu'elle menaçait l'existence des milliers de sociétés plus humbles et fragiles dont les langues, les croyances, les arts et les institutions étaient pourtant des témoignages irremplaçables de la richesse et de la diversité des créations humaines. Si l'on espérait savoir un jour ce que c'est que l'homme, il importait de rassembler pendant qu'il en était encore temps toutes ces réalités culturelles qui ne devaient rien aux apports et aux impositions de l'Occident. Tâche d'autant plus pressante que ces sociétés sans écriture ne fournissaient pas de documents écrits ni, pour la plupart, de monuments figurés.
Or avant même que la tâche soit suffisamment avancée, tout cela est en train de disparaître ou, pour le moins, de très profondément changer. Les petits peuples que nous appelions indigènes reçoivent maintenant l'attention de l'Organisation des Nations unies. Conviés à des réunions internationales ils prennent conscience de l'existence les uns des autres. Les Indiens américains, les Maori de Nouvelle Zélande, les aborigènes australiens découvrent qu'ils ont connu des sorts comparables, et qu'ils possèdent des intérêts communs. Une conscience collective se dégage au-delà des particularismes qui donnaient à chaque culture sa spécificité. En même temps, chacune d'elles se pénètre des méthodes, des techniques et des valeurs de l'Occident. Sans doute cette uniformisation ne sera jamais totale. D'autres différences se feront progressivement jour, offrant une nouvelle matière à la recherche ethnologique. Mais, dans une humanité devenue solidaire, ces différences seront d'une autre nature : non plus externes à la civilisation occidentale, mais internes aux formes métissées de celle-ci étendues à toute la terre.
Ces changements de rapports entre les fractions de la famille humaine inégalement développées sous l'angle technique sont la conséquence directe d'un bouleversement plus profond. Puisque au cours du dernier siècle j'ai assisté à cette catastrophe sans pareille dans l'histoire de l'humanité, on me permettra de l'évoquer sur un ton personnel. La population mondiale comptait à ma naissance un milliard et demi d'habitants. Quand j'entrai dans la vie active vers 1930, ce nombre s'élevait à deux milliards. Il est de six milliards aujourd'hui, et il atteindra neuf milliards dans quelques décennies à croire les prévisions des démographes. Ils nous disent certes que ce dernier chiffre représentera un pic et que la population déclinera ensuite, si rapidement, ajoutent certains, qu'à l'échelle de quelques siècles une menace pèsera sur la survie de notre espèce. De toute façon, elle aura exercé ses ravages sur la diversité, non pas seulement culturelle, mais aussi biologique en faisant disparaître quantité d'espèces animales et végétales.Up
De ces disparitions, l'homme est sans doute l'auteur, mais leurs effets se retournent contre lui. Il n'est aucun, peut-être, des grands drames contemporains qui ne trouve son origine directe ou indirecte dans la difficulté croissante de vivre ensemble, inconsciemment ressentie par une humanité en proie à l'explosion démographique et qui - tels ces vers de farine qui s'empoisonnent à distance dans le sac qui les enferme, bien avant que la nourriture commence à leur manquer - se mettrait à se haïr elle-même, parce qu'une prescience secrète l'avertit qu'elle devient trop nombreuse pour que chacun de ses membres puisse librement jouir de ces bien essentiels que sont l'espace libre, l'eau pure, l'air non pollué.
Aussi la seule chance offerte à l'humanité serait de reconnaître que devenue sa propre victime, cette condition la met sur un pied d'égalité avec toutes les autres formes de vie qu'elle s'est employée et continue de s'employer à détruire.
Mais si l'homme possède d'abord des droits au titre d'être vivant, il en résulte que ces droits, reconnus à l'humanité en tant qu'espèce, rencontrent leurs limites naturelles dans les droits des autres espèces. Les droits de l'humanité cessent au moment où leur exercice met en péril l'existence d'autres espèces.
Le droit à la vie et au libre développement des espèces vivantes encore représentées sur la terre peut seul être dit imprescriptible, pour la raison très simple que la disparition d'une espèce quelconque creuse un vide, irréparable, à notre échelle, dans le système de la création.
Seule cette façon de considérer l'homme pourrait recueillir l'assentiment de toutes les civilisations. La nôtre d'abord, car la conception que je viens d'esquisser fut celle des jurisconsultes romains, pénétrés d'influences stoïciennes, qui définissaient la loi naturelle comme l'ensemble des rapports généraux établis par la nature entre tous les êtres animés pour leur commune conservation; celle aussi des grandes civilisations de l'Orient et de l'Extrême-Orient, inspirées par l'hindouisme et le bouddhisme; celle, enfin, des peuples dits sous-développés, et même des plus humbles d'entre eux, les sociétés sans écriture qu'étudient les ethnologues.
Par de sages coutumes que nous aurions tort de reléguer au rang de superstitions, elles limitent la consommation par l'homme des autres espèces vivantes et lui en imposent le respect moral, associé à des règles très strictes pour assurer leur conservation. Si différentes que ces dernières sociétés soient les unes des autres, elles concordent pour faire de l'homme une partie prenante, et non un maître de la création.
Telle est la leçon que l'ethnologie a apprise auprès d'elles, en souhaitant qu'au moment de rejoindre le concert des nations ces sociétés la conservent intacte et que, par leur exemple, nous sachions nous en inspirer.
Source : Generalitat de Catalunya, Barcelone, mai 2005.
"L'ETHNOLOGUE DEVANT LES IDENTITES NATIONALES"
Discours de Claude Lévi-Strauss à l'occasion de la remise du XVIIe Premi Internacional Catalunya, 2005, Académie française, Paris, le 13 mai 2005.
L'honneur que me fait la Generalitat de Catalunya en me décernant son "Premi International" me touche de façon très profonde. En accumulant les années, j'éprouve chaque jour davantage le sentiment que j'usurpe le temps qui me reste à vivre et que lus rien ne justifie la place que j'occupe encore sur cette terre. Aussi votre choix m'apporte un précieux réconfort. Il m'assure que je vous suis toujours présent et que les travaux que j'ai produits pendant trois quarts de siècle ne sont pas déjà périmés. Je vous en exprime toute ma gratitude.Up
Ce prix a d'autant plus de prestige que votre capitale, Barcelone, par les rencontres internationales qui s'y déroulent, par les décisions qui y sont prises, gagne sur la scène mondiale une importance croissante. C'est il y a peu de mois, nous a appris la presse, qu'à l'initiative de la Generalitat de Catalunya fut fondée à Barcelona une Eurorégion Pyrénées-Méditerranée. Vaste contrée transfrontalière à laquelle il faut joindre les deux pays Basques, et où l'on peut reconnaître, agrandie, l'antique marche de Gothie des temps carolingiens qui avait, ne l'oublions pas, son chef-lieu à Barcelone.
J'ai connu une époque où l'identité nationale était le seul principe concevable des relations entre les Etats. On sait quels désastres en résultèrent. Telle que vous l'avez conçue, l'eurorégion crée entre les pays de nouvelles relations qui débordent les frontières et contrebalancent les anciennes rivalités par les liens concrets qui prévalent à l'échelle locale sur les plans économique et culturel. Que, par une exception au bénéfice de l'âge dont je vous remercie, votre prix me soit remis à Paris, est aussi une façon de souligner ce rapprochement entre les Etats dont la création des eurorégions - telle celle entre la Catalogne, ses voisins et la France méridionale - tends à estomper les limites.
Ces liens raffermis avec la Catalogne, je les perçois aussi de façon plus intime comme participant d'un courant de pensée auquel, au XXe siècle, on a donné le nom de structuralisme, mais qui, contrairement à ce qu'on croit habituellement, n'est nullement une invention moderne. Il apparaît déjà aux XIIIe-XIVe siècles, au moins dans ses premiers linéaments, chez le grand penseur catalan dont le nom se prononce en français Raymond Lulle. La perception naïve appréhende le monde comme un chaos. Pour le surmonter, les prédécesseurs de Lulle ordonnaient par degrés les aspects du réel en fonction de leurs ressemblances plus ou moins grandes. Lulle partit au contraire de la différence, en opposant les termes extrêmes et en faisant jaillir entre eux des médiations. Il conçut ainsi un système logique très original permettant, au moyen d'opérations récurrentes, d'inventorier toutes les liaisons possibles entre les concepts et les êtres et mit donc la notion de rapport à la base du mécanisme de la pensée. De cet art combinatoire qu'il inventa, au cours des siècles Nicolas de Cues, Charles de Bovelles, Leibniz, puis la linguistique structurale et l'anthropologie structurale tireront des enseignements.
C'est en considération du lien avec le mouvement d'idées auquel je me rattache que, si vous le permettez, (mais, comme Dante pour le toscan, maître Eckart pour l'allemand, Lulle ne fut-il pas le créateur de votre langue littéraire ?) je placerai sous l'invocation de Raymond Lulle l'honneur que je reçois aujourd'hui.
Parce que je suis né dans les premières années du XXe siècle et que, jusqu'à sa fin, j'en ai été l'un des témoins, on me demande souvent de me prononcer sur lui. Il serait inconvenant de me faire le juge des événements tragiques qui l'ont marqué. Cela appartient à ceux qui les vécurent de façon cruelle alors que des chances successives me protégèrent si ce n'est que le cours de ma carrière en fut grandement affecté.Up
L'ethnologie, dont on peut se demander si elle est d'abord une science ou un art (ou bien, peut-être, tous les deux) plonge ses racines en partie dans une époque ancienne et en partie dans une autre, récente. Quand les hommes de la fin du Moyen-âge et de la Renaissance ont redécouvert l'antiquité gréco-romaine et quand les jésuites ont fait du grec et du latin la base de leur enseignement, ne pratiquaient-ils pas une première forme d'ethnologie ? On reconnaissait qu'aucune civilisation ne peut se penser elle-même si elle ne dispose pas de quelques autres pour servir de terme de comparaison. La Renaissance trouva dans la littérature ancienne le moyen de mettre sa propre culture en perspective, en confrontant les conceptions contemporaines à celles d'autres temps et d'autres lieux.
La seule différence entre culture classique et culture ethnographique tient aux dimensions du monde connu à leurs époques respectives. Au début de la Renaissance, l'univers humain est circonscrit par les limites du bassin méditerranéen. Le reste, on ne fait qu'en soupçonner l'existence. Mais on sait déjà qu'aucune fraction de l'humanité ne peut aspirer à se comprendre, sinon par référence à toutes les autres.
Au XVIIIe et au XIXe siècles, l'humanisme s'élargit donc avec le progrès de l'exploration géographique. La Chine, l'Inde s'inscrivent dans le tableau. Notre terminologie universitaire, qui désigne leur étude sous le nom de philologie non classique, confesse, par son inaptitude à créer un terme original, qu'il s'agit bien du même mouvement humaniste s'étendant à un territoire nouveau. En s'intéressant aux dernières civilisations encore dédaignées - les sociétés dites primitives - l'ethnologie fit parcourir à l'humanisme sa troisième étape.
Les civilisations antiques ayant disparu, on ne pouvait les atteindre qu'à travers les textes et les mouvements. Quant à l'Orient et l'Extrême-Orient, où la difficulté n'existait pas, la méthode restait la même, parce que des civilisations si lointaines ne méritaient - croyait-on - l'intérêt que par leurs productions les plus savantes et les plus raffinées.
Les modes de connaissance de l'ethnologie sont à la fois plus extérieurs et plus intérieurs (on pourrait dire aussi plus gros et plus fins) que ceux de ses devancières. Pour pénétrer des sociétés d'accès particulièrement difficile, elle est obligée de se placer très en dehors (anthropologie physique, préhistoire, technologie) et aussi très en dedans, par l'identification de l'ethnologue au group dont il partage l'existence, et l'extrême importance qu'il doit attacher aux moindres nuances de la vie physique des indigènes.Up
Toujours en deçà et au-delà de l'humanisme traditionnel, l'ethnologie le déborde dans tous les sens. Son terrain englobe la totalité de la terre habitée, tandis que sa méthode assemble des procédés qui relèvent de toutes les formes du savoir : sciences humaines et sciences naturelles.
Mais la naissance de l'ethnologie procède aussi de considérations plus tardives et d'un autre ordre. C'est au cours du XVIIIe siècle que l'Occident a acquis la conviction que l'extension progressive de sa civilisation était inéluctable et qu'elle menaçait l'existence des milliers de sociétés plus humbles et fragiles dont les langues, les croyances, les arts et les institutions étaient pourtant des témoignages irremplaçables de la richesse et de la diversité des créations humaines. Si l'on espérait savoir un jour ce que c'est que l'homme, il importait de rassembler pendant qu'il en était encore temps toutes ces réalités culturelles qui ne devaient rien aux apports et aux impositions de l'Occident. Tâche d'autant plus pressante que ces sociétés sans écriture ne fournissaient pas de documents écrits ni, pour la plupart, de monuments figurés.
Or avant même que la tâche soit suffisamment avancée, tout cela est en train de disparaître ou, pour le moins, de très profondément changer. Les petits peuples que nous appelions indigènes reçoivent maintenant l'attention de l'Organisation des Nations unies. Conviés à des réunions internationales ils prennent conscience de l'existence les uns des autres. Les Indiens américains, les Maori de Nouvelle Zélande, les aborigènes australiens découvrent qu'ils ont connu des sorts comparables, et qu'ils possèdent des intérêts communs. Une conscience collective se dégage au-delà des particularismes qui donnaient à chaque culture sa spécificité. En même temps, chacune d'elles se pénètre des méthodes, des techniques et des valeurs de l'Occident. Sans doute cette uniformisation ne sera jamais totale. D'autres différences se feront progressivement jour, offrant une nouvelle matière à la recherche ethnologique. Mais, dans une humanité devenue solidaire, ces différences seront d'une autre nature : non plus externes à la civilisation occidentale, mais internes aux formes métissées de celle-ci étendues à toute la terre.
Ces changements de rapports entre les fractions de la famille humaine inégalement développées sous l'angle technique sont la conséquence directe d'un bouleversement plus profond. Puisque au cours du dernier siècle j'ai assisté à cette catastrophe sans pareille dans l'histoire de l'humanité, on me permettra de l'évoquer sur un ton personnel. La population mondiale comptait à ma naissance un milliard et demi d'habitants. Quand j'entrai dans la vie active vers 1930, ce nombre s'élevait à deux milliards. Il est de six milliards aujourd'hui, et il atteindra neuf milliards dans quelques décennies à croire les prévisions des démographes. Ils nous disent certes que ce dernier chiffre représentera un pic et que la population déclinera ensuite, si rapidement, ajoutent certains, qu'à l'échelle de quelques siècles une menace pèsera sur la survie de notre espèce. De toute façon, elle aura exercé ses ravages sur la diversité, non pas seulement culturelle, mais aussi biologique en faisant disparaître quantité d'espèces animales et végétales.Up
De ces disparitions, l'homme est sans doute l'auteur, mais leurs effets se retournent contre lui. Il n'est aucun, peut-être, des grands drames contemporains qui ne trouve son origine directe ou indirecte dans la difficulté croissante de vivre ensemble, inconsciemment ressentie par une humanité en proie à l'explosion démographique et qui - tels ces vers de farine qui s'empoisonnent à distance dans le sac qui les enferme, bien avant que la nourriture commence à leur manquer - se mettrait à se haïr elle-même, parce qu'une prescience secrète l'avertit qu'elle devient trop nombreuse pour que chacun de ses membres puisse librement jouir de ces bien essentiels que sont l'espace libre, l'eau pure, l'air non pollué.
Aussi la seule chance offerte à l'humanité serait de reconnaître que devenue sa propre victime, cette condition la met sur un pied d'égalité avec toutes les autres formes de vie qu'elle s'est employée et continue de s'employer à détruire.
Mais si l'homme possède d'abord des droits au titre d'être vivant, il en résulte que ces droits, reconnus à l'humanité en tant qu'espèce, rencontrent leurs limites naturelles dans les droits des autres espèces. Les droits de l'humanité cessent au moment où leur exercice met en péril l'existence d'autres espèces.
Le droit à la vie et au libre développement des espèces vivantes encore représentées sur la terre peut seul être dit imprescriptible, pour la raison très simple que la disparition d'une espèce quelconque creuse un vide, irréparable, à notre échelle, dans le système de la création.
Seule cette façon de considérer l'homme pourrait recueillir l'assentiment de toutes les civilisations. La nôtre d'abord, car la conception que je viens d'esquisser fut celle des jurisconsultes romains, pénétrés d'influences stoïciennes, qui définissaient la loi naturelle comme l'ensemble des rapports généraux établis par la nature entre tous les êtres animés pour leur commune conservation; celle aussi des grandes civilisations de l'Orient et de l'Extrême-Orient, inspirées par l'hindouisme et le bouddhisme; celle, enfin, des peuples dits sous-développés, et même des plus humbles d'entre eux, les sociétés sans écriture qu'étudient les ethnologues.
Par de sages coutumes que nous aurions tort de reléguer au rang de superstitions, elles limitent la consommation par l'homme des autres espèces vivantes et lui en imposent le respect moral, associé à des règles très strictes pour assurer leur conservation. Si différentes que ces dernières sociétés soient les unes des autres, elles concordent pour faire de l'homme une partie prenante, et non un maître de la création.
Telle est la leçon que l'ethnologie a apprise auprès d'elles, en souhaitant qu'au moment de rejoindre le concert des nations ces sociétés la conservent intacte et que, par leur exemple, nous sachions nous en inspirer.
Source : Generalitat de Catalunya, Barcelone, mai 2005.
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